REINE JEANNE Le buisson magique des Malvans
La reine Jeanne, Reine de Naples, de Jérusalem et de Sicile, Duchesse de Calabre et de Piémont, était aussi Comtesse de Provence. Elle était très belle et eut beaucoup de malheurs, surtout sur la fin de sa vie.
Pour fuir ses ennemis à Naples, suite au meurtre de son époux, elle entreprit un long voyage vers ses terres de Provence où elle était très aimée de ses sujets.
Le lendemain de son arrivée, Jeanne se rend à Vence pour rejoindre son château des Malvans*. Elle est reçue à bras ouverts par un peuple en liesse. Elle a vingt ans. Dans sa robe de velours bleu brodée d’or, elle s’avance sur sa jument blanche, escortée de sa suite.
Elle est fort gracieuse mais paraît songeuse. Ses pensées vont vers son jeune page Aubépin qu’elle a du laisser à Naples. Sur son attachement à ce jeune garçon, Louise Michel nous a donné un fort beau poème*.
En ce soir d’été, la reine est montée de Vence aux Malvans sous le plateau de Saint Barnabé. Par les fenêtres de la grande salle du château, le regard de Jeanne se porte distraitement sur le vaste paysage. Au loin, la mer scintille. Elle reconnaît les îles, le cap d’Antibes et l’Estérel. L’air du soir est parfumé. Jeanne soupire et se languit d’Aubépin. Elle entend encore les derniers mots tendres qu’il lui a adressés à l’instant de leur séparation : « ô ma reine d’amour, je le jure, je serai là, auprès de vous, à la Noël. ». Jeanne, touchée, lui a promis de l’attendre.
Les mois passent. La nuit de Noël est là, toute semée d’étoiles. La messe de minuit est célébrée dans la chapelle Saint Raphael. La reine a voulu être seule. Elle attend Aubépin, sans vraiment y croire. Les bougies projettent de grandes ombres, sur les murs de la petite chapelle. Le temps s’écoule et la reine prie dans la nuit. Des larmes coulent sur ses belles joues.Sous le grand ciel de Provence, les douze coups de minuit s’égrennent. Alors une jeune voix fraîche et claire prononce ces mots « Si ma reine pleure, Moi je veux pleurer. Voici le malheur. Autant vaut mourir ».
Jeanne reconnaît Aubépin. Le page est arrivé. Il se jette à ses pieds et pleure de bonheur. « ô ma reine d’amour, je suis enfin là à vos genoux ! ».
A ce moment, un seigneur jaloux sort de l’ombre et d’un coup profond de sa dague il poignarde à mort le jeune homme. Sur la dalle blanche de la chapelle le corps d’Aubépin git dans une flaque de sang rouge. Sur son visage de dessine un dernier sourire à celle qu’il a tant aimée.
Vingt longues année passent. Jeanne se trouve à nouveau aux Malvans pour la Noël. Le château qui n’a pas été entretenu s’est dégradé. La chapelle n’a plus de toiture et la neige qui tombe cette nuit de Noël a recouvert le sol du sanctuaire désert. La reine est seule, douloureusement plongée dans ses souvenirs.
Jeanne s’avance. Soudain, elle pâlit et prend peur. Sur la dalle toute blanche de neige, là où était tombé Aubépin, un énorme buisson d’aubépine a poussé entre les pierres. La reine s’agenouille et se recueille. Une fois encore, sous le grand ciel de Provence, les douze coups de minuit s’égrennent. Au même instant, le buisson d’aubépine s’illumine de mille petites fleurs rouges qui brillent dans la nuit sur la dalle toute blanchie de neige.
Elle était très belle et eut beaucoup de malheurs, surtout sur la fin de sa vie. A quelques temps de là elle mourut tragiquement.
Depuis ces évènements, s’il ne reste, sur les flancs de Courmettes, qu’un pan de mur du château de Malvans, la chapelle saint Raphael a été restaurée et chaque nuit de Noël, l’aubépine rouge y refleurit.Et si vous n’y croyez pas, il faut aller y voir le soir de Noël.
LEGENDE
Il était une reine d’antan,
Qui aimait son page Aubépin.
Lui chantait du soir au matin,
Quelques ritournelles d’amour.
Et parfois, dans le demi-jour,
Il couvrait les mains de baisers,
De sa reine aux cheveux dorés.
Un seigneur jaloux veillait.
Derrière les rideaux épais.
Dans la main, il tenait serrée,
Sa dague, à la lame acérée.
Fou de rage et de fureur,
Il en transperça le cœur,
Du beau page enamouré,
Dans les bras de sa bien-aimée
Et sur la dalle ensanglantée,
Un lys rouge s’est dessiné.
Chaque nuit, à la même heure,
Alors que la belle pleure,
Sur son sort et sur son malheur,
Un autre page vint consoler,
La pauvre reine désespérée.
Louise Michel.