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Un "figure" de la randonnée François Morénas

L'autre jour, au hasard d'une balade dans la Haute Tinée, en montant vers le col de Crous, mon attention fut attirée par la trace d'un balisage bleu, ancien, délavé par plusieurs hivers sous la neige et de cette facture malhabile qu'autorisaient, il ya quelques années encore, des règles et des principes de normalisation qui n'étaient pas aussi sévères qu'aujourd'hui. Qu'importe il n'y avait pas grand chose de tracé, le parc du Mercantour n'existait pas et l'on était bien content quand un défricheur ouvrait un itinéraire.IMGP4952.JPG

En m'approchant j'ai cru lire "Roya circuit Regain". Me reviennent alors des souvenirs anciens eux aussi, à la couleur presqu'aussi passée que cette marque sur la roche. "Regain" : Le père Morénas !

" Regain" c'est un lieu qu'on ne peut oublier quand on y a séjourné une fois. Dans les années 80 je pense, j'avais organisé pour mon club de randonneurs un week-end dans le Lubéron et j'avais choisi l'auberge de jeunesse de Françoise et Claude Morénas. Leur auberge s'appelait Regain sans doute en en hommage à Giono. Ils l'avaient ouverte à côté de Saignon à l'époque du front populaire, bien avant tout ce que je vous raconte. Ceux de mes amis qui se souviennent de notre passage à Regain m'en parlent encore souvent. Nous avions dormi dans une annexe et le dortoir était installé dans une maison creusée à même la roche. Les chauve souris avaient accompagné notre sommeil peuplé de rêves étranges.

Cinéaste amateur passionné de super 8 et cinéphile averti, François avait organisé, ce soir là, pour nous, une projection où l'on pouvait, entre autres, voir un superbe documentaire sur le Tarin des Pignes dans la vallée du Var. La salle était équipée de vieux fauteuils en velours rouge récupérés dans un cinéma de quartier. A l'écran, le petit train tressautait, sans que l'on sache si cela était du aux rails usés par les ans ( c'est toujours les mêmes rails en 2011, sauf pour une partie refaite de Nice à Carros et puis il y a de nouvelles rames belles comme un TGV !) ou si ces secousses étaient celles du caméraman, lui-même ballotté par les trépidations. François perché au fond de la salle derrière son projecteur engueulait vertement ceux qui se mettant debout de façon intempestive faisaient obstacle de leur lourdes silhouettes entre l'appareil et l'écran où leurs profils énormes se découpaient en gâchant l'image.

Au repas il racontait des blagues un peu lourdes. On ne pouvait plus l'arrêter. La salle était comble. Il y avait peut-être là 80 personnes. Le vin des côteaux du Lubéron  était fameux et l'ambiance très animée.

François Morénas était une figure légendaire de la randonnée et des loisirs populaires. A une époque où tout était à faire, il a défriché et balisé, à grands coups de pinceaux de toutes les couleurs, des chemins oubliés autour de cette auberge, dans le Lubéron mais aussi et c'est là que je l'ai retrouvé l'autre jour, dans la Tinée où il avait acheté une grange à retaper où il estivait. Tout cela date d'il y a plus de 50 ans.

J'ai retrouvé" au fond d'une boîte à chaussures où je garde quelques vieux souvenirs comme mes cartes d'état major d'avant celles de l'IGN, un précieux topo guide signé F.et C. Morénas  " Circuits touristiques dans la vallée de la Tinée" 1973 avec un additif mise à jour de 1982 ! Et oui la direction du Parc l'avait obligé à débaliser une partie de ses itinéraires.

François était un poète. Il savait vous donner l'envie de vous lever tôt et de boucler le sac à dos. Il faut relire, par exemple, ce qu'i écrit sur le hameau de Roya où nous sommes passés l'autre jour :

Roya, le pays des choses vraies, manger, boire, dormir, se couvrir, avoir chaud

Roya....où l'on n'a que son propre bagage pour vivre, pas de magasins, ni de miroirs,

les montagnes immenses, la neige là-haut et la parure des mélèzes au-dessus de l'échancrure d'éboulis

Les montagnes immenses pour s'agrandir le coeur.

François Morénas est mort en 2006 Il avait 93 ans.

Je lui dois la découverte du Colorado provençal à Rustrel et Roussillon, des monts du Vaucluse, de la Montagne de Lure et de chemins de la Tinée explorés au début avec  uniquement ses relevés dessinés à la main.

Un article du journal la Provence retrace ce que fut sa vie passionnée ( 16/10/06).

Morénas, Saignon, Tinée

maison à Roya

Merci à François Morénas pour l'homme qu'il a été, même s'il est un peu tard pour le remercier. Mais cette trace de balisage rencontrée dans la montagne est un signe, une invitation à dire.

Merci pour tes sentiers secrets et merci pour les vraies richesses partagées  avec Giono.

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