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Légendes d'ici - Page 12

  • REINE JEANNE Le buisson magique des Malvans

    La reine Jeanne, Reine de Naples, de Jérusalem et de Sicile, Duchesse de Calabre et de Piémont, était aussi Comtesse de Provence. Elle était très belle et eut beaucoup de malheurs, surtout sur la fin de sa vie.

    Pour fuir ses ennemis à Naples, suite au meurtre de son époux, elle entreprit un long voyage vers ses terres de Provence où elle était très aimée de ses sujets.

    Le lendemain de son arrivée, Jeanne se rend à Vence pour rejoindre son château des Malvans*. Elle est reçue à bras ouverts par un peuple en liesse. Elle a vingt ans. Dans sa robe de velours bleu brodée d’or, elle s’avance sur sa jument blanche, escortée de sa suite.

    Elle est fort gracieuse mais paraît songeuse. Ses pensées vont vers son jeune page Aubépin qu’elle a du laisser à Naples.  Sur son attachement à ce jeune garçon, Louise Michel nous a donné un fort beau poème*.

    En ce soir d’été, la reine est montée  de Vence aux Malvans sous le plateau de Saint Barnabé. Par les fenêtres de la grande salle du château, le regard de Jeanne se porte distraitement sur le vaste paysage. Au loin, la mer scintille. Elle reconnaît les îles, le cap d’Antibes et l’Estérel. L’air du soir est parfumé. Jeanne soupire et se languit d’Aubépin. Elle entend encore les derniers mots tendres qu’il lui a adressés à l’instant de leur séparation : « ô ma reine d’amour, je le jure, je serai là, auprès de vous, à la Noël. ». Jeanne, touchée, lui a promis de l’attendre.

     Les mois passent. La nuit de Noël est là, toute semée d’étoiles. La messe de minuit est célébrée dans la chapelle Saint Raphael. La reine a voulu être seule. Elle attend Aubépin, sans vraiment y croire. Les bougies projettent de grandes ombres, sur les murs de la petite chapelle. Le temps s’écoule et la reine prie dans la nuit. Des larmes coulent sur ses belles joues.

    Sous le grand ciel de Provence, les douze coups de minuit s’égrennent. Alors une jeune  voix fraîche et claire prononce ces mots « Si ma reine pleure, Moi je veux pleurer. Voici le malheur. Autant vaut mourir ».

    Jeanne reconnaît Aubépin. Le page est arrivé. Il se jette à ses pieds et pleure de bonheur. « ô ma reine d’amour, je suis enfin là à vos genoux ! ».

    A ce moment, un seigneur jaloux sort de l’ombre et d’un coup profond de sa dague il poignarde à mort le jeune homme. Sur la dalle blanche de la chapelle le corps d’Aubépin git dans une flaque de sang rouge. Sur son visage de dessine un dernier sourire à celle qu’il a tant aimée.

     

    Vingt longues année passent. Jeanne se trouve à nouveau aux Malvans pour la Noël. Le château qui n’a pas été entretenu s’est dégradé. La chapelle n’a plus de toiture et la neige qui tombe cette nuit de Noël a recouvert le sol  du sanctuaire désert. La reine est seule, douloureusement plongée dans ses souvenirs.

     

    Jeanne s’avance. Soudain, elle pâlit  et prend peur. Sur la dalle toute blanche de neige, là où était tombé Aubépin, un énorme buisson d’aubépine a poussé entre les pierres. La reine s’agenouille et se recueille. Une fois encore, sous le grand ciel de Provence, les douze coups de minuit s’égrennent. Au même instant, le buisson d’aubépine s’illumine de mille petites fleurs rouges qui brillent dans la nuit sur la dalle toute blanchie de neige.

    Elle était très belle et eut beaucoup de malheurs, surtout sur la fin de sa vie. A quelques temps de là elle mourut tragiquement.

     Depuis ces évènements, s’il ne reste, sur les flancs de Courmettes, qu’un pan de mur du château de Malvans, la chapelle saint Raphael a été restaurée et chaque nuit de Noël, l’aubépine rouge y  refleurit.

    Et si vous n’y croyez pas, il faut aller y voir le soir de Noël.

     


     


     

    LEGENDE


     

    Il était une reine d’antan,

    Qui aimait son page Aubépin.

    Lui chantait du soir au matin,

    Quelques ritournelles d’amour.

    Et parfois, dans le demi-jour,

    Il couvrait les mains de baisers,

    De sa reine aux cheveux dorés.

     


    Un seigneur jaloux veillait.

    Derrière les rideaux épais.

    Dans la main, il tenait serrée,

    Sa dague, à la lame acérée.


     

    Fou de rage et de fureur,

    Il en transperça le cœur,

    Du beau page enamouré,

    Dans les bras de sa bien-aimée


     

    Et sur la dalle ensanglantée,

    Un lys rouge s’est dessiné.


     

    Chaque nuit, à la même heure,

    Alors que la belle pleure,

    Sur son sort et sur son malheur,

    Un autre page vint consoler,

    La pauvre reine désespérée.


     

                                        Louise Michel.


     
     

  • REINE JEANNE La tragique messe de minuit de Coarraze

    Roc, méchant roc,
    Un jour viendra, où sur tes ruines,
    Ne chantera plus ni coq, ni poule !
     
    Cette terrible malédiction, lancée par la reine Jeanne à Rocca Sparviéra a marqué ces lieux sauvages pour l’éternité. Seuls les éperviers qui tournent dans le ciel, au-dessus des ruines pourraient nous raconter l’histoire de la tragique messe de minuit.
     
     
     
    La reine de Naples, la reine Jeanne, était aussi comtesse de Provence. En ce temps-là, elle dut quitter en hâte son royaume d’Italie. Après des guerres et des émeutes, elle était traquée par la populace en colère qui voulait l’emprisonner et la mettre à mort.
     
    Elle s’embarqua sur ses galères,  avec ses deux jeunes enfants, des bébés jumeaux que la reine qui était aussi une mère aimante, voulait soustraire à la vengeance de son peuple. Une petite escorte d’hommes d’arme l’accompagnait ainsi que sa servante la fidèle Catanaise et son chapelain le moine Don Pancrazio.
     
    Cela se passait en l’an 1348, à l’approche de la Noël. L’idée de Jeanne était de rejoindre la Provence où elle savait ses sujets fidèles et loyaux. Elle accosta sur la Côte, près de Nice. De là, voulant trouver un refuge sûr et secret, elle s’engagea, avec sa petite escorte, sur les chemins rocailleux qui menaient, à travers la montagne, à son château au-dessus du village de Coaraze. Le lieu avait été abandonné depuis plusieurs années et les paysans furent fort étonnés, à l’aube suivante, de voir s’élever de la fumée par la cheminée du vieux château féodal.
     
    Ils ne tardèrent pas à apprendre que Jeanne était revenue. Heureux  de cette nouvelle, ils s’en vinrent visiter leur reine bien aimée avec des mules lourdement chargées de provisions : Farine de châtaigne, miel, poulets, œufs, lard, jambons sans oublier trois fûts du meilleur vin de Provence. On allait pouvoir fêter la nativité dans la liesse.  Jeanne trouvait enfin auprès des gens de Coaraze, un peu de réconfort.
     
    Cependant, ses ennemis à Naples ne renonçaient pas. Quelques espions avaient réussi à retrouver sa trace et cachés dans des cabanes non loin du château, ils épiaient les allées et venues. Trois de ces malfaisants, déguisés en bergers,  parvinrent même à se joindre à ceux qui apportaient des victuailles au château. Ils entrèrent dans l’enceinte, intriguèrent si bien qu’ils approchèrent Don Pancrazio. Ici, il faut préciser que le confesseur de la reine était un moine paillard très porté sur la bouteille. Les Napolitains connaissaient bien sûr ce penchant, ils entraînèrent Don Pancrazio à la cave et vidèrent en sa compagnie de nombreux pichets de vin de Provence. En réalité, ils firent boire le moine, en feignant, quant à eux, de vider leurs gobelets où ils ne faisaient que tremper leurs moustaches. Quand le moine fut fin saoul, on le boucla dans la cave à double tour. Les spadassins se cachèrent dans les sous-sols, attendant le moment d’agir. Leur plan était simple : En neutralisant le moine, la messe de minuit ne pourrait point être dite au château. Cela allait certainement amener la reine à descendre au village et à partir de là….
    En effet, la reine était fort pieuse et quand on eut cherché Don Pancrazio partout en vain, elle décida de confier les bébés à la garde de sa fidèle Catanaise et de descendre à Coaraze pour y entendre la messe de minuit.
    Le chemin n’est déjà pas  facile de jour mais il faut imaginer Jeanne sur sa jument blanche, bien emmitouflée dans une grande cape de grosse laine, à peine accompagnée de quelques hommes qui éclairent le sentier comme ils peuvent, avec des torches fumeuses. La nuit est noire et froide. Dans un lacet, du fond du ravin, une voix soudain retentit
     
    La Regina va à la messa
    Ven trouvera corsa taoula messa !
     
    La reine va à la messe
    Au retour, elle trouvera table mise !
     
     
    Jeanne est inquiète et ne comprend pas cette mystérieuse menace. Mais elle passe son chemin.
    Au village, dans la petite église cent cierges sont allumés. Le curé a revêtu sa plus belle chasuble. Un siège à haut dossier tout couvert de velours rouge attend la reine. Jeanne retrouve parmi les villageois amicaux, un peu de sa sérénité. Agenouillée, elle prie pour ses enfants qu’elle a laissés au château. A peine la messe dite, préoccupée par les paroles étranges entendues sur le chemin, tout à l’heure, elle quitte rapidement l’office au grand regret des fidèles.
    Se doutait-elle de quelque chose ? Son instinct de mère la guidait-il ?
     
    A son arrivée au château, un spectacle horrible attendait la pauvre Jeanne. Dans la grande salle voûtée, sous la lumière rouge des torches, la nourrice, la belle et fidèle Catanaise gisait dans son sang  à même le sol. Elle avait été ligotée et  bâillonnée.
    La grande table de la salle avait été dressée pour le réveillon. Sur la nappe blanche brillait la vaisselle d’or et de cristal. Et là, au beau milieu de ce couvert, un plat d’argent est servi. Horreur ! Sur un lit de romarin et de thym les deux petits enfants de la reine sont là, ficelés comme rôtis avec chacun un grand couteau de chasse planté dans le cœur !
    Folle de douleur, Jeanne les yeux dilatés par la peur se redresse et pointant son épée nue vers le donjon elle profère cette terrible malédiction :
     
    Rocca rocchina
    Un jou vendra que su li tui roïna
    Non cantéra plu ni gal ni galina !
     
    Roc, méchant roc,
    Un jour viendra, où sur tes ruines,
    Ne chantera plus ni coq, ni poule !
     
    La prophétie allait se réaliser.  A quelques temps de là, un tremblement de terre allait secouer la montagne et du château féodal écroulé, il ne reste  aujourd’hui, que ruines.
    Dans un décor désolé ne viennent plus ici que vautours et éperviers. D’où le nom que l’on donne depuis à ce lieu ROCA  SPARVIERA.
    Il ne reste ici que le souvenir touchant d’une reine jeune et belle qui fut très malheureuse surtout vers la fin de son règne.