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  • Viviers (07)

    2015-04-20 viviers 065.jpgViviers .... D'habitude on ne s'arrête pas à Viviers. C’est une belle endormie. La nationale éventre deux hautes murailles de maisons grises et poussiéreuses. Et voilà, on a traversé Viviers.

    Pourquoi ce jour là s'arrêter ? Pour déjeuner. Seulement pour déjeuner

    Je gare la voiture au parking de l'hôtel de ville et là, surprise : Un ancien palais épiscopal, une belle façade classique, un rayon de soleil . La belle endormie m’intrigue. Elle me prend par la main et m’invite. Elle porte un masque de dentelle noire et soulevant d’un geste vif  sa longue robe de taffetas camaïeu elle m’entraîne  vivement vers un escalier secret qui monte à la ville haute. Comment résister ?

     

    De la-haut tout est différent. Le regard plonge sur la mer des toits de tuiles entaillée de  calades pavées avec les galets du Rhône, autant de failles obscures. Sur une  placette tout en bas, j’aperçois les parasols verts d’un minuscule restaurant. J’ai faim !  

     

    En chemin la belle est bavarde et raconte : A la Maison des Chevaliers, nous sommes à la Renaissance et le pouvoir est aux riches marchands. Plus tard de nobles familles ont construit ici leurs palais et leurs hôtels particuliers, les De Villeneuve, De Roqueplane, De Tourville, de Beaulieu….Et puis ce fut un évêché. Les belles façades se succèdent laissant deviner des intérieurs un peu dégradés mais pleins de mystères. Des chats dorment dans les bacs à fleurs. L’odeur de la glycine me monte à la tête. Et si je veux, une prochaine fois nous irons voir les anciennes maisons closes …Mon dieu !

     

    Le temps s’est arrêté.

    Après ce voyage il faut revenir au monde des vivants, à l’autoroute, à l’horaire et retrouver le rythme vibrant de nos activités.

     

    Mais quand même, pour une terre d’oublis, Viviers est bien vivante !

     

     Viviers, Ardèche2015-04-20 viviers 061.jpg2015-04-20 viviers 044.jpg
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  • Olivier de Termes à Aguilar

        L’été 1240 était particulièrement chaud et ensoleillé. Depuis quelques temps Aguilar, fraîchement repris aux croisés,  voyait arriver de plus en plus de monde. Des chevaliers et leurs écuyers, des sergents, des paysans et leurs familles, des croyants aussi en grand nombre. Toute une troupe se rassemblait sous les remparts et dans le château. On était dans de grands préparatifs. Les amis d’Olivier étaient tous là eux aussi. Comme lui, ceux du temps de Majorque s’étaient regroupés autour de Raimond de Trencavel le jeune vicomte de Carcassonne qui menait rondement les choses, pressé d’en découdre et de venger son père. Le temps de la reconquête semblait venu et on allait reprendre Carcassonne aux croisés.90px-Ouverture_cruciforme_du_château_de_Termes.jpg

        Aguilar était une ruche bourdonnante. On affûtait les armes sur des meules en pleine rue, des selliers recousaient les harnais fatigués des montures. Plus loin un parfait juché sur une charrette prêchait avec véhémence. Sous un auvent des opposants au roi conspiraient à voix basse autour d’une cruche de vin frais. 

        Olivier se reposait sous un arbre à l’ombre des remparts. C’était un chevalier aux yeux clairs et à la barbe brune. Un bel homme, dans la force de l’âge. Sa tunique bleue courte et ajustée mettait en valeur ses larges épaules. Sous son arbre, Il rêvait de son enfance et de ces jours heureux  à la seigneurie de Termes à quelques lieues d’ici. 

        Il se revoyait petit garçon, dix ans à peine. Son père Raimond lui apprenait à tirer à l’arc sur la terrasse du donjon. En ce temps-là la vie était douce. Il revoyait sa mère Ermessende de Corsavy, à sa fenêtre, travaillant à sa tapisserie, un œil sur son petit frère et sur ses deux sœurs qui se chamaillaient  pour une poupée en chiffons.

    Mais le vent avait tourné. On disait que Simon de Montfort et les armées du Nord approchaient. L’oncle Benoît qui était ouvertement acquis à la nouvelle religion avait même raconté lors de son dernier passage à Termes que Minerve avait été prise après cinq semaines d’un siège terrible. Il n’y avait plus une goutte d’eau dans les citernes et la ville était tombée. Les croisés avaient alors allumé un grand bûcher et y avaient jeté vifs 140 bons chrétiens de la nouvelle religion. Des hérétiques comme ils disaient. Bien qu’encore jeune, Olivier avait bien compris que ses parents étaient dans le camp des opposants aux croisés du Nord.

     Et ce qui devait arriver arriva. En août de cette année-là, c’était en 2010, les croisés mirent le siège devant le château familial de Termes. Du haut du donjon Olivier s’extasiait  au spectacle des tentes et des étendards de l’ennemi  qui, en-bas, claquaient au vent.

    A l’intérieur tout était prêt. Son père avait avec lui vingt chevaliers et plus de quatre cents soldats. Un ingénieur spécialisé dans les machines de guerre avait fabriqué un mangonneau très perfectionné avec lequel on avait visé la tête de Montfort.  Et, par deux fois, il avait manqué d’être atteint. Rien ne manquait dans Termes « Vivres en abondance, viande fraîche, lard salé, vin, eau et farine à foison. » De quoi tenir très longtemps. 

     

    1247-ph_Termes.jpg

    Mais trois mois plus tard les citernes étaient vides. Raimond catastrophé allait se rendre quand, par la grâce de Dieu un formidable orage éclata qui sauva la situation.

    Olivier se  souvenait de cette pluie providentielle et de tous les détails. Comme tout le monde il avait encore tenu seize semaines, seize semaines avec des journées qui n’en finissaient pas. Seul le soir apportait un peu d’apaisement quand la nuit mettait fin aux assauts.

     L’eau en réserve s’abîma. Bientôt les uns après les autres ils tombèrent malades. A boire de l’eau croupie la dyssentrie faisait des ravages. Beaucoup parmi les plus faibles moururent, des femmes et des enfants en premier.

    Il avait fallu se rendre. Le père d’Olivier avait fait face à Simon et avec la plus grande noblesse il avait déclaré « Nous capitulons devant la maladie pas devant l’ennemi. » Le château avait été confisqué et dans les jours qui suivirent une garnison royale s’y était installée. 

    Raimond avait été fait prisonnier emmené à Carcassonne où il fut enfermé dans une tour où il mourut.

    De nombreux assiégés avaient pu fuir et ils avaient trouvé refuge en Catalogne pays ami et sûr. Ermessende et Olivier étaient de ce nombre. Il se souvenait de la fuite et de son arrivée au pays de sa mère. Plus tard elle s’était remariée à un seigneur catalan qui avait lui-même six enfants. Avec nous , se souvenait Olivier cela faisait dix. Olivier avait grandi protégé et aimé par son beau-père. C’est lui qui lui avait fait donner une éducation soignée et qui l’avait préparé au métier des armes.

    C’est dans cette jeunesse heureuse en Catalogne qu’il avait lié des amitiés solides avec la plupart des compagnons qui étaient aujourd’hui presque tous à Aguilar avec lui. Ces hommes de sa génération étaient Jacques 1er roi d’Aragon, Raimond le jeune Comte de Toulouse, Trencavel Vicomte de Carcassonne et un certain Chabert de Barbaira un ami très proche que les hasards de la vie allaient éloigner de lui.

     

    Olivier se leva, s’étira et alla retrouver ses compagnons dans la salle haute de la tour. On devait se retrouver avant dix heures pour préparer l’attaque de Carcassonne. C’était là l’objectif principal de tous ces jeunes seigneurs occitans pressés de voir aboutir leurs projets de reconquête.

     

    Oliver se hâta de les rejoindre. Il se dirigea en chantonnant vers la tour d’Aguilar son cher château retrouvé. Ce beau château d’Aguilar faisait partie des terres des Termes et il venait  avec ses amis de le reprendre aux croisés qui avaient fui comme des lapins.

    «  En route pour  Carcassonne ! »  Olivier monta quatre à quatre les volées de marches qui conduisaient à la salle d’où venait la rumeur des chevaliers assemblés.

    Il ne savait pas encore que reprendre Carcassonne ne serait pas aussi facile que de grimper cet escalier.